Moteur...action : Rencontre avec une demoiselle [Stella]

Un reflet blanc laiteux hantais les brumes du sommeil, une créature vaporeuse qui se posait tel un voile lourd et lugubre. Son regard criait : regarde moi ! Et le garçon se perdit dans ses iris abyssales.

Reizo se réveilla en se massant le crâne. Encore une fois, Morphée l'avait repoussé sans relâche, pour mieux le torturé lorsqu'il s'était enfin perdu dans ses bras vicieux. Et les rêves douloureux qui s'effaçaient déjà de son esprit perturbé lui laissaient la promesse de revenir quelques heures plus tard.
Sur une montre posée non loin du lit les aiguilles indiquaient sept heures de l'après midi. Arrivé le matin même au pensionnat, le garçon s'était effondré sur ce qu'on lui avait attribué comme couche. Ce n'était pas inconfortable : un matelas somme toutes assez correct, un sommier souple...Et pourtant déjà la désagréable impression d'être plein de courbatures arracha une grimace à Reizo. Il se leva du lit en travers duquel il s'était allongé, et passa une main dans ses cheveux rougeâtres pour leur donner un minimum de consistance. Ce n'était pas une bonne idée d'avoir cédé au sommeil. D'une part parce qu'il n'aimait pas les rêves. Et d'autre part parce qu'il n'était pas voué à être seul dans cette chambre. Un colocataire pouvait débarquer à tout moment, et trouver le garçon assoupit n'aurait pas aidé à faire connaissance.
Non pas que Reizo soit quelqu'un de très sociable. Si on lui avait laissé le choix il aurait opté pour une chambre avec un lit unique. Il n'y avait rien de plus embêtant d'après lui qu'un camarade de nuitée. Malgré tout, autant prendre les devants.

D'un pas traînant il se dirigea vers une armoire pour en ouvrir la porte. Avisant son reflet dans le miroir qui se trouvait à l'intérieur, il soupira. Ses yeux étaient rouges, il avait l'air d'un taré. Ses lentilles pourpres n'aidaient pas, d'ailleurs. Mais il était hors de question de les retirer : ses pupilles noires banales lui donnaient des haut le cœur à chaque fois. Comment pouvait on se résigner à rester ordinaire dans ce bas monde...Il aimait s'écarter des sentiers battus. Il l'avait toujours fait. Déjà, au collège, il s'était marginalisé avec l'aide de son meilleur ami Ganjû.
À cette idée, Reizo esquissa un sourire, ce qui donna une meilleure mine à son reflet. L'ami rondouillard lui manquait déjà, ses remarques directes et mordantes, son rire communicatif, son regard brillant et moqueur...Trois jours déjà qu'il l'avait quitté, entraîné par les services sociaux pour intégrer ce pensionnat Kuragari.
L'endroit était sympa, il n'y avait pas à dire. C'était grand, imposant...Mais ça puait le fric à plein nez, et Reizo avait un peu de mal à s'imaginer passer son année ici. Parfois les premières impressions sont les bonnes. Parfois il faut aller au delà de ses préjugés. Mais les préjugés, Reizo ne vivait qu'avec ça, fréquentant les bas quartiers. Personne ne lui apprendrait à juger les autres, d'ailleurs, il savait le faire tout seul. Comment ne pas comprendre, en avisant un regard méprisant croisé dans la rue, que le propriétaire des yeux hautains est un orgueilleux manquant cruellement de confiance en lui, ou encore, comment ne pas comprendre en apercevant une fille en minijupe qu'elle n'as qu'une envie, celle de se taper un mec vite fait bien fait pour être sûre qu'elle est capable de le séduire...?
Le monde est plein de gens qui pensent devoir aller au delà des apparences. C'est qu'il ne savent pas qu'il ne s'agit que d'une excuse des faibles.

Après un soupire de mauvais augure, le jeune garçon s'empara de sa veste en cuir dans le placard. Il n'y avait pas que Ganjû qui lui manquait. Les flux d'adrénaline se faisaient cruellement absents. Les rushs dans les ruelles, les courses sur la route...Reizo avait dû laisser le scooter à son ami. De toutes façons, ce véhicule de petit joueur ne lui suffisait plus. Il avait envie d'une véritable ruée en moto, une grosse bécane noire au puissant moteur. Quelque chose de bien fort qui lui remettrait les neurones en place. Pour lui faire oublier le reste, toute son attention focalisée sur la route.
Le garçon se tourna face à la porte, sa veste en cuir jetée négligemment sur son épaule : il avait crû entendre un bruit venant du couloir. Peut être que quelqu'un approchait.
Il était temps...Reizo n'avait pas croisé un chat depuis son arrivée. Tout le monde semblait terré dans sa chambre, ou déjà en vadrouille dans le parc du pensionnat.

Stella s’avança nonchalamment dans le corridor qui menait aux dortoirs. Son sac traînant derrière elle en faisant un bruit dérangeant, Stella se dit qu’elle ne devait pas passer trop inaperçue dans ce foutu orphelinat. Elle le leva et le tint dans ses bras non sans difficultés. Elle continua à avancer en pensant à tous les autres orphelins qu’elle avait dû laisser dans les rues, derrière elle, sans leur dire au revoir, à cette pensée, une vague de tristesse déchira Stella et elle ferma son esprit pour se concentrer sur l’endroit où elle étais. C’était un bâtiment de luxe, beau et chic. La jeune fille réprima un soupir en voyant qu’elle n’allait vraiment pas avec cet endroit. Ce matin en venant à l’orphelinat, elle avait décidé de rester elle-même. Donc, elle avait mis ses collants lignés, sa robe bleue et elle avait laissé ses cheveux tomber sur son dos. Elle n’étais vraiment pas le gosse de riche qui irait bien ici !

Elle déposa sons sac par terre et sortit d’une des pochettes un petit papier qui indiquait le numéro de sa chambre. Chambre numéro 1, parfait… Elle tourna le coin, s’arrêta devant une porte et déposa son sac par terre. Stella tendit l’oreille pour essayer de voir si elle entendait quelqu'un.

*Aucun bruit, parfait, je vais pourvoir me livrer à mes émotions tranquillement *

La jeune fille ouvrit la porte et entra en vitesse dans la pièce. Sans regarder ou elle allait, elle fonça dans quelque chose et recula rapidement en se massant le front. Elle leva les yeux et tomba face à face avec un gars qui la dépassait de beaucoup… Aussitôt elle sentie ses joues rougir de honte. Elle bafouilla des excuses.

-Euh je suis désolée, je n-ne regardais pas ou j’allais… Hum pardon !

Elle baissa son regard vers ses choses qui étais tombées sous l’impact et entreprit de les ramasser. Stella ne regarda pas la personne en face d’elle sous la honte de s’être ridiculisé encore plus !

* Merde, j'ai vraiment le tour pour faire connaissance.. *

Elle se releva, encore toute rouge, prit son courage à deux main et regarda son colocataire. Elle mit un sourire sur son visage et se présenta.

- Bonjour, je suis Stella, ah oui je suis nouvelle depuis environ 10 minutes !

Elle continua de fixer le garçon en souriant.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, un éclair bleu/mauve était entré dans la chambre, impatient, imprudent... Une jeune fille. Elle avait foncé dans Reizo toute maladroite qu'elle était, parce qu'elle n'avait pas regardé où elle allait. Pourquoi ça ? Pourquoi ne pas prendre le temps d'ouvrir la porte et de regarder si il y avait quelqu'un à l'intérieur...?
Le garçon toisa la nouvelle venue, et soupira en l'entendant bégayer des excuses sommes toutes un peu pitoyable. Ce n'était pas la peine d'en faire tout un plat, elle lui avait foncé dedans, point. Pas de drame. Les joues rougies par l'embarras, la nouvelle venue ramassa les affaires qu'elle avait fait tomber. L'empressement maîtrisé dans ses gestes fit sourire intérieurement Reizo, qui se passa une main lasse sur le visage. Cette fille lui rappelait quelques souvenirs des temps passés. Et il n'aimait pas ça, les souvenirs des temps passés. Se réfugier dans les souvenirs, même insignifiants comme celui là, n'apportait rien de bon. On l'avait envoyé dans ce pensionnat pour qu'il aille de l'avant, non ?

La voix calme et posée, Reizo sourit tout en répondant à celle qui venait de se présenter comme Stella. Sa nouvelle colocataire, donc.

-Enchanté. Je m'appelle Reizo Fuusaki.

Pas un mot de plus. Ça risquerait d'être trop. Quand il s'agit de parler Reizo est presque muet, parce qu'il ne voit pas l'intérêt de s'étendre pendant des heures sur un même sujet. On lui avait souvent repproché par le passé d'être trop direct, trop franc, et ses remarques acerbes et cruellement vraies avaient suscité bien des réactions de la part de ses camarades de classe et de ses professeurs.
Quand à questionner les autres sur leur vie, et sur ce qu'ils aimaient faire, et cætera, Reizo ne le faisait tout simplement jamais. Égocentrique, dirons certains. Surtout très nonchalant vis à vis de l'existence d'autrui.

Aussi se contenta t-il de sourire, pour exprimer ce qui devait être un « bienvenue dans la chambre, où nous allons passer de longs moments ensemble, n'aie pas peur je ne mord pas, je suis juste un rustre presque muet. » Et puis une leur passa dans ses yeux pendant qu'il songeait à tout ça, lueur qui pour lui avait la signification spéciale « n'entre pas trop dans mon espace vital ».
Reizo soupira et baissa ses yeux rouges et fatigués. La fille en face de lui, la pile d'énergie qui s'était précipitée dans la chambre, aurait pu l'intriguer. Elle avait un style vestimentaire assez particulier, et son empressement à s'enfermer dans la pièce était curieux.
Mais on parle de Reizo là... Si cette nouvelle venue avait envie de lui dire quelque chose, qu'elle le fasse, il n'avait aucune raison d'aller à la pêche aux informations.

Stella regarda son nouveau partenaire de chambre lui répondre en souriant.

Au moins, pensa t-elle, il sourit c'est bon signe ! Ça veut dire qu'il ne m'en veut pas trop de lui avoir foncé dedans...

Elle remarqua qu'il avait les yeux rouges tout comme ses cheveux... Bon, elle n'était pas la seule à avoir un style un peu différent des autres, cela la rassura un peu et elle soupira. Enfin, elle décompressa, le changement d'univers, la perte de ses amis lui avait apporté une dose de stress énorme ! Seulement là, son colocataire ne paraissait pas totalement différent d'elle, ses réflexions la firent sourire. Stella resserra un peu les choses dans ses bras et décida de ramener la conversation, enfin… D'en commencer une car Reizo ne semblait pas trop bavard !

- Hum, ça fait longtemps que tu es à l'orphelinat ? Parce que moi, ça ne doit même pas faire 30 minutes...

Elle soupira en repensant à tout ce qu'elle avait laissé derrière, une vague de tristesse vint en elle et Stella détourna la tête pour ne pas laisser aller ses émotions. Elle fit mine de jouer avec une mèche de cheveux en attendant que les souvenirs passent. La séparation était encore trop récente et elle devait se changer les idées. La jeune fille regarda un peu la chambre en se disant que ce monde n’était pas pour elle. Ayant vécue dans la rue une grande partie de sa vie, l’univers riche la mettait mal alaise, elle était délinquante, pas gosse de riche ! Stella soupira et continua de regarder la pièce en essayant de se changer les idées, un des deux lits semblait défait, elle en devina qu’il s’agissait de celui de son colocataire. Une armoire était grande ouverte. La jeune fille se retourna vers Reizo et lui sourit. Lui non plus n’avait pas l’air d’être né dans cet univers…

- Alors, tu viens d’ici ?